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La mort dans le Nouveau Testament

Publié le par Bruno Gaudelet

La mort dans le Nouveau Testament

 

Les spécialistes remarquent que la littérature intertestamentaire (rédigée du Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle de l’ère chrétienne) se représente l’au-delà, soit de façon linéaire-temporelle, soit de façon spatiale-verticale.

 

La représentation linéaire-temporelle envisage l’au-delà comme un lieu où les âmes sont recueillies jusqu’à ce que l’histoire humaine soit clôturée par le jugement dernier et la résurrection des justes. La représentation spatiale-verticale envisage au contraire que les humains puissent connaître, dès leur mort, une ascension et une glorification célestes. Ces deux façons d’envisager l’au-delà se retrouvent également au sein du Nouveau Testament.

 

Diversité évangélique

 

Dans une perspective linéaire, le Jésus des évangiles se réfère souvent à l’Hadès comme à un lieu d’attente qui comprend au moins deux séjours distinctifs : celui des justes et celui des méchants. C’est le schéma qu’adopte la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, qui place le premier au shéol et le second dans le « sein d’Abraham » (Lc 16,19-31). Apercevant de loin Lazare, le riche supplie Abraham: dis à Lazare de venir me rafraîchir la langue en mouillant un peu ses doigts. Abraham répond qu’étant donné l’abîme infranchissable qui sépare les deux séjours, sa requête ne peut être exaucée. L’Hadès et le sein d’Abraham constituent des lieux intermédiaires provisoires appelés à être remplacés par le paradis et la géhenne, qui est aussi appelée « fournaise de feu » et « ténèbres du dehors » où ne manquent pas « les pleurs et les grincements de dents ».

 

Dans une perspective spatiale au contraire, Jésus promet au larron du Golgotha qu’il sera avec lui le soir même au « paradis », sans aucun passage, donc, par un lieu et un temps intermédiaires (Lc 23,43). De même, aux disciples en plein désarroi face à la mort qui rôde, Jésus promet qu’une fois dans la maison du Père il leur préparera une place de telle sorte qu’ils soient à leur mort avec lui. Point de lieux d’attente, ni même de jugement et de résurrection dans ce texte qui évoque la pluralité des demeures de la Maison du Père (Jn 14,1-7).

 

Les deux types de représentations, linéaires et spatiales, montrent que les auteurs du Nouveau Testament ont puisé dans le langage religieux et les représentations disponibles de leur époque pour dire et illustrer leur espérance du salut de Dieu. La foi pascale est elle-même exprimée dans le Nouveau Testament en langage tantôt linéaire-temporel (résurrection et jugement final), tantôt spatial-vertical (ascension et glorification de Jésus). Loin de s’exclure, ces deux formes de représentations se complètent et se nuancent réciproquement. Preuve s’il en est que nous sommes bien sur le plan des représentations et de l’imaginaire pour dire la foi et l’espérance, non sur celui de la description objective et avérée de l’au-delà.

 

Nu lors de la parousie

 

Si Jésus et les évangélistes ont recouru aux représentations de l’au-delà de l’apocalyptique juive qui circulaient largement dans les milieux pharisiens, qu’en est-il justement de Paul, l’ex-pharisien élevé aux pieds de rabbi Gamaliel ?

 

À son tour, Paul utilise les représentations linéaire et spatiale. En fait, seule l’Apocalypse se déploie essentiellement sur la logique linéaire (voir encadré). Les premiers écrits de Paul affirment que l’événement de Pâques a enclenché les derniers temps et rendu tout proche le dénouement final de l’histoire. « Nous les vivants, restés pour l’avènement du Seigneur, écrit-il en 1 Th 4,13, nous ne devancerons pas ceux qui se sont endormis. Car le Seigneur… descendra du ciel, et les morts en Christ ressusciteront en premier lieu. Ensuite nous, les vivants, qui seront restés, nous serons enlevés ensemble avec eux dans les nuées, à la rencontre du Seigneur dans les airs. » Ce schéma combine les représentions linéaire et spatiale. La représentation linéaire prend en compte ceux qui se sont endormis et qui sont en attente de la résurrection. La représentation spatiale est appliquée aux croyants vivants qui seront élevés et glorifiés lors du retour du Christ. Quelques années plus tard, Paul s’étend un peu plus sur le temps intermédiaire durant lequel les âmes de ceux qui se sont endormis sont en attente de la fin des temps. La possibilité de passer directement de la demeure terrestre – qui est le corps et que Paul appelle aussi « cette tente » – à la demeure éternelle – qui est « l’ouvrage de Dieu » et qui correspond au corps glorieux de la résurrection – reste toujours d’actualité. Mais le « vieux » Paul envisage aussi nettement en 2 Co 4,16 à 5,10 la possibilité pour le croyant d’être trouvé « nu » lors de la parousie, c’est-à-dire sans corps. Ceux qui affirment que Paul rejette le dualisme des Grecs en sont ici pour leurs frais.

Attente et jugement dans l’Apocalypse

Le livre de l’Apocalypse développe essentiellement la représentation linéaire-temporelle de l’au-delà. Même si les passages mentionnant la situation des âmes martyres rassemblées sous l’autel céleste (6,9-11) et la multitude d’hommes et femmes de toutes nations qui attendent la consolation de l’Agneau de Dieu (7,9-17) combinent à l’attente du jugement la participation glorieuse à la liturgie céleste, la visée linéaire-temporelle reste première.

Il faut dire que, pour l’Apocalypse, le temps du jugement dernier est à la fois proche et lointain. Les chiffres trois ans et demi (un temps, deux temps et la moitié d’un temps) et mille ans qui reviennent pour qualifier le temps de l’Église (12,14 et 20,3) le laissent symboliquement entendre. Le premier appartient à notre histoire alors que le second relève du temps de Dieu.

Ce jugement est attendu par l’auteur comme devant mettre un terme à l’histoire terrestre (20,11s) et faire advenir un nouveau ciel et une nouvelle terre où Dieu habitera au milieu des justes ressuscités (21).

En raison de l’influence du livre de l’Apocalypse sur l’imaginaire chrétien de l’au-delà, la représentation linéaire-temporelle a historiquement surpassé en importance la représentation spatiale-verticale et l’a même absorbée pour en faire une sous-catégorie réservée à deux types de chrétiens : les martyrs et les saints directement intégrés dans le paradis céleste.

B. G.


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